Définition du délit d'entrave
Le dictionnaire du Larousse nous propose sa définition du verbe "entraver" : empêcher quelqu'un d'agir, une action de se réaliser, ou constituer un obstacle.
Ainsi, le nom du délit d'entrave est en lui-même explicite : il représente toutes les tentatives de l'employeur ou des personnes dirigeantes d'empêcher, de gêner, de faire obstacle au bon déroulement du CSE ou plus globalement à toutes les instances du personnel (délégués syndicaux, représentants de proximité, anciens CE ou CHSCT). Sanction pénale et menace pour les dirigeants, il permet aux représentants des salariés de librement exercer leurs missions.
Le Code du travail le définit lors de l'article L. 2328-1 :
« Le fait d'apporter une entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres, soit à leur fonctionnement régulier, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 7 500 euros. »
Pour être qualifié de tel, un délit d'entrave doit supporter :
- un élément légal : le texte de loi définissant l'infraction, ici le Code du travail.
- un élément matériel : une action ou omission portant atteinte aux représentants du personnel.
- un élément moral : une intention volontaire ou intentionnelle.
Exemples de délit d'entrave
En lien avec sa définition large, le délit d'entrave peut prendre deux formes majeures : une action ou une omission. Nous allons ici voir quelques exemples concrets :
- L'absence d'organisation d'élection du CSE ou de toute autre instance du personnel alors que la loi l'impose, ou la présence de pressions destinées à décourager les candidats
- Le non-respect des attributions du CSE (l'absence de consultation par exemple)
- La perturbation du déroulement des élections ou de la désignation des élus
- L'absence d'organisation de la première réunion du CSE
- L'entrave de l'accès aux comptes de l'entreprise de l'expert-comptable du CSE
- Le non-respect des délais de communication liés aux instances du personnel (élections, organisation des réunions...)
- La rédaction autonome du procès-verbal de la réunion, lors même que c'est une mission exclusive au secrétaire
- Le refus d'aborder certains points inscrits à l'ordre du jour, ou la volonté d'écourter de manière autoritaire et unilatérale une réunion afin d'éviter des sujets "fâcheux".
Cette liste n'est pas exhaustive et le délit d'entrave peut prendre de nombreuses autres formes, toujours avec la même idée : entraver le bon déroulement des instances du personnel.
💡
À noter : les intentions de l'employeur n'ont aucune importance, le seul élément pris en compte est le caractère volontaire de son comportement. La Cour de cassation explique "l'élément intentionnel du délit d'entrave se déduit, non du but recherché par l'intéressé, mais du caractère volontaire des mesures qu'il a prises ou s'est abstenu de prendre".
Les sanctions en cas de délit d'entrave
Sanctions pénales
Puisque le délit d'entrave peut prendre des formes diverses et variées, ses sanctions suivent le même raisonnement. Alors que la Loi Macron du 6 août 2015 doublait le montant des amendes, les peines encourues sont toujours peu dissuasives pour certains dirigeants :
- Concernant les entraves avérées apportées à la constitution ou à la désignation des membres du CSE, l'amende est de 7500€ et un an d'emprisonnement.
- Concernant les entraves avérées au fonctionnement du CSE ou d'un CSEC, l'amende est de 7500€.
- Concernant les licenciements sans consultation du CSE, sans élaboration de plan de sauvegarde, pour une entreprise qui licencie pour motif économique au moins 10 salariés sur une période de 30 jours, l'amende est de 3750€ par salarié.
À noter : à l'heure où les élus saisissent la justice, les dirigeants pourraient jouer la carte du "je ne savais pas". Mais cette excuse n'est pas recevable : les instances dirigeantes ont le devoir de connaître le droit.
Personne morale
Au-delà des peines précédentes, peuvent venir s'ajouter d'autres types de peine si le délit d'entrave est commis par une personne morale.
Rappel : une personne morale peut représenter une seule personne physique, mais il s'agit généralement d'un groupement de personnes se réunissant à des fins communes. Dotée d'une personnalité juridique, elle prend par exemple la forme d'entreprises, d'associations...
Voici désormais quelques exemples de peines additionnelles destinées aux personnes morales :
- Fermeture définitive ou d'une durée de 5 ans des activités de la personne morale
- Placement sous contrôle judiciaire d'une durée de 5 ans
- Dissolution de la personne morale
- Affichage de la décision de justice au travers de communications audiovisuelles
- Interdiction d'exercer définitivement ou pour une durée de 5 ans une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales
S'il est important de préciser que peu de cas aboutissent à ces peines, il ne faut cependant pas l'oublier : le délit d'entrave peut être sévèrement puni, et notamment en cas de récidive.
Que faire en cas de délit d'entrave avéré ?
Comme nous l'avons vu, le délit d'entrave prend de nombreuses formes, et les élus peuvent parfois s'y perdre dans les démarches à entreprendre.
Dès la constatation d'un délit d'entrave, nous vous conseillons vivement de contacter l'inspection du travail : celle-ci pourra vous aider dans vos démarches afin de démontrer le délit, dresser un procès-verbal et éventuellement lancer une action en justice devant le tribunal correctionnel.
À noter : un délai de prescription existe concernant les délits d'entrave. Vous avez 3 ans à compter du jour où l'infraction est commise pour la signaler.
Pour tout savoir de l'univers CSE.